Action ‘Sauver les enfants’ !

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Une conférence à la Maison du Danemark aux Champs Elysées au mois d’octobre 2015 marqua pour la photographe Charlotte Schousboe le début d’un voyage qui allait la ramener aux années de l’après-guerre, aux archives danoises, et à la recherche d’enfants qui furent accueillis au Danemark entre 1946 et 1950. Des enfants qui ont aujourd’hui entre 75 et 85 ans. Lors de ses recherches, elle tomba sur une pépite dans une archive locale et elle fut profondément étonnée qu’une si grande opération humanitaire danoise dans les années de l’après-guerre soit complètement oubliée.

Le dimanche 11 octobre 2015, la photographe danoise Charlotte Schousboe, résidant à Paris depuis plus de 30 ans, était présente à une conférence sur l’aide humanitaire danoise destinée aux enfants français dans les années après la seconde guerre mondiale.

La conférence avait lieu à la Maison du Danemark aux Champs-Elysées, et était organisée par l’Ambassade danoise. Plusieurs enfants, maintenant âgés, étaient présents, et ils nous ont parlé de leur séjour  au Danemark et des  souvenirs liés à ‘leurs’ familles danoises. Charlotte nous raconte son expérience via mail de Paris.

Dans sa vie professionnelle de photographe, Charlotte s’occupe de portraits, de la mode et des enfants. Ce dimanche à la Maison du Danemark, elle était déjà sûre que le sujet ferait sensation.

Lors de la conférence et après, j’ai pris des notes, et bien sûr j’ai mis pas mal de temps à recueillir les numéros de téléphone et les adresses email de ces « enfants ». Mais il ne suffit pas d’ en avoir l’idée !

Pour Charlotte, la conférence fut le début de recherches étendues, qui ont abouti à ce documentaire extraordinaire sur la section danoise de Save the Children (Sauver les Enfants – en danois Red Barnet) et sur la grande opération pour aider les enfants français – et européens – qui avaient souffert lors de la guerre.

Photo: Hans Herloff

Au mois de mars 1945, peu de temps avant la fin de la seconde guerre mondiale, la section danoise de l’ONG anglaise Save the Children – Red Barnet – fut créée. Une des personnes fondatrices de la section danoise était une personne clef de la résistance danoise, Valborg Hammerich.

Peu de temps après la fin de la guerre, la section danoise de “Sauver les Enfants” organisa une opération humanitaire de grande envergure pour aider les milliers d’enfants affamés et dans la détresse, dans une Europe dévastée par la guerre. Les enfants français étaient parmi les premiers à recevoir de l’aide, et en totalité environ 24.000 repas furent distribués aux écoliers et écolières dans Paris et ses environs. Presque 5.000 enfants français étaient si affaiblis par la guerre qu’ils furent sélectionnés pour un séjour récréatif de 3 mois dans des familles danoises. Plus tard, l’effort humanitaire de l’ONG danoise fut étendu aux 15 pays européens, et jusqu’à 1950 l’ONG danoise aida plus de 500.000 enfants victimes de guerre dans toute l’Europe. Soit par des séjours récréatifs au Danemark, soit en envoyant de l’aide d’urgence dans leur propre pays.

Photo: Hans Herloff

C’est cette histoire oubliée qui intriguait Charlotte, et qui lui fit lancer une recherche pour trouver des photos et des films de la période.

Déjà au mois de novembre 2015, j’ai pris contact avec Red Barnet à Copenhague, et j’ai commencé un assez grand travail de recherche, mais ce n’est devenu sérieux qu’au mois de janvier 2016, nous raconte Charlotte. J’avais été fort émue par l’attentat du Bataclan, une amie très chère y avait  perdu son fils ce soir-là.

De janvier à mai 2016, j’ai mis énormément de temps à trouver des films de cette époque.

Ma première ’rencontre’ avec le photographe Herloff était sur un site web danois dans le sud du  Jutland [région près de la frontière danoise/allemande. JOV]. J’ai copié l’image avec le texte ”photographe inconnu sur la gauche”(c’est vrai, ce sont les mots exacts !) et je l’ai envoyée à Red Barnet à Copenhague. Bien sûr, je leur avais déjà demandé s’ils avaient des films ou des photos de cette période dans leurs archives. Red Barnet m’a répondu : “Non, nous n’avons jamais eu de photographes qui travaillaient pour nous à cette époque après la guerre”.

Charlotte continue :

Puis j’ai ”jeté une bouteille à la mer” pour demander aux archives locales au Danemark : ” Est-ce que vous avez, dans vos archives, des films ou des photos sur Red Barnet et sur les enfants qui ont été accueillis au Danemark après la seconde guerre mondiale ?”… Je n’ai reçu qu’ UNE seule réponse de la part des archives locales de Nyborg [au mois d’avril 2016], ils m’ont répondu : “Depuis 1997, nous avons dans nos archives des boîtes contenant des films, des photos et des papiers privés d’un photographe nommé Hans Herloff”.

Immédiatement j’ai envoyé à l’archive de Nyborg la photo que j’avais trouvée quelques mois plus tôt sur le site web du sud du Jutland; ils m’ont répondu tout de suite que c’était bien Hans Herloff sur la photo. Mon histoire démarra :)!

Nous avons fait développer les premières pellicules de Herloff au mois de juin 2016, c’était une expérience captivante et unique.

Avant de contacter les archives locales au Danemark, je me suis renseignée auprès de DSB [la société danoise des chemins de fer /JOV], le Musée National, l’Institut danois du Film et beaucoup d’autres, pour trouver des films et des photos !

J’ai mis beaucoup de temps à trouver un producteur, et quand j’en ai eu un, c’était à lui de trouver une chaîne, et il en a vite trouvé une.

Après tout cela, il fallait écrire une synopsis. Le réalisateur, je l’avais déjà sous la main (c’est mon compagnon) et lui, il trouva dès le début que c’était un sujet formidable.

La recherche de Charlotte la mit en contact avec plusieurs enfants qui avaient été au Danemark en séjour récréatif, et beaucoup d’entre eux lui firent le récit de leur temps là-bas, comment ils avaient repris des forces, et comment ils furent une partie intégrée de leurs familles d’accueil danoises. Beaucoup d’ entre eux appelaient leurs ’parents’ danois Maman et Papa, et pour tous les enfants le séjour danois devint un souvenir chaleureux pour le restant de leur vie. Quelques-uns se sont même mariés dans leur famille danoise.

Dans le documentaire, six des enfants, qui ont maintenant dans les quatre-vingts ans, racontent leurs histoires.

Charlotte Schousboe avec Else Hammerich. Photo: Raphael de Vellis (2017)

Les interviews avec les enfants de la guerre sont enregistrés au Danemark, et à Paris et dans ses environs. Charlotte nous confie qu’elle a été au Danemark à deux reprises avec une équipe pour filmer – aux mois de mai et juillet 2017. À ces occasions, ils ont également rencontré la fille de Valborg Hammerich, Else, qui parle de sa mère.

À l’Institut danois du Film, il existe une copie d’un des films de Herloff [De skal lære at leve (Il leur faut apprendre à vivre) /JOV]. La chose curieuse dans ce film, c’est que c’est le compositeur danois Bent Fabricius-Bjerre [mondialement connu pour la composition de ‘Alley Cat’, entre autres. /JOV] qui a composé la musique du film. Lui aussi, je l’ai vu à Copenhague pour un entretien l’été dernier  (2017), me raconte Charlotte.

Le réalisateur du film, Jean-Charles Lassus et le cameraman Raphael en train de préparer pour l’interview avec Bent Fabricius-Bjerre dans son bureau à Nyhavn, un quartier dans le vieux port de Copenhague. Photo: Charlotte Schousboe (2017)

Le résultat des recherches de Charlotte pendant ces deux dernières années est maintenant terminé. Le film est là, mais il n’est pas encore distribué au Danemark.

Le film a été produit ici en France, et mardi prochain [ le 17 avril 2018. /JOV] il y aura une présentation du film à (?) l’Ambassade danoise chez la chaîne Planète (Canal+), et il y aura probablement) une ‘avant-première’ ici à Paris au mois d’octobre.

Vous pouvez voir d’autres photos des recherches de Charlotte sur la page Facebook qu’elle a créée sur le film. Si vous vous étonnez pourquoi la page porte un nom qui n’a rien à voir avec l’affaire, il y a une explication simple et technique :

J’ai créé cette page Facebook au nom de ma mère (en  son honneur !), je changerai le nom dès que “Facebook” le permet, mais comme je n’avais pas le droit de parler du film, j’ai choisi de mettre la page sous un autre nom – une page secrète ;), explique Charlotte.

Il y a des indications que les recherches de Charlotte sur le photographe Herloff ne viennent que de démarrer.

Il y a beaucoup à dire sur Herloff, il suivait Red Barnet en tournée en Europe en 1947, Red Barnet en 2017 ne connaissait pas son nom ni son travail, ce qui est encore plus curieux !!

Une de mes idées est de faire remonter à la surface le travail de Herloff. De 1943 à 1945, il était à Berlin, envoyé par la résistance danoise !

Le documentaire Opération Sauver les enfants (60 min.) a été produit par Illegitime Défense, France, d’après une idée de Charlotte Schousboe. Manuscrit par Charlotte Schousboe et Jean-Charles Lassus. Réalisateur : Jean-Charles Lassus.